les suites de l’opération : les difficultés du retour à la normale sexuelle

Bonjour,

Je continue à témoigner pour mes compagnons d’infortune, mais aussi pour faire des propositions à l’ANAMACAP …

Mon taux de PSA étant indétectable six mois après l’opération, je tiens tout d’abord à redire ma gratitude aux chirurgiens, et laisser un message d’espoirs aux prostatiques qui me liront. Ils m’ont fait passer par le chas de l’aiguille, avec mon score de Gleason de 8, et je continue à penser qu’ils m’ont sauvé la vie. Bravo les urologues ! Mais je veux quand même vous raconter les suites opératoires.

Un mois après l’opération, mon chirurgien à Paris m’a prescrit trois mois de cyalis et vitaros pour retrouver une activité sexuelle. J’ai été immédiatement stupéfait de voir qu’aucun accompagnement médico-psychologique n’était proposé. Je me suis retrouvé dans ma salle de bain à m’injecter le vitaros dans l’urètre en tremblant, comme vraisemblablement des milliers de prostatiques avant moi, seul, ignorant si je faisais bien ou pas. L’effet d’un médicament comme de l’autre pouvait se comparer à de la poudre de perlimpimpin. Le prix est également stupéfiant, et le fait qu’il ne soit pris en charge qu’à 30% par la sécurité sociale, et pas du tout par la mutuelle, me révolte : il ne s’agit pas de confort comme me l’a expliqué le pharmacien, mais d’amour et de relations sexuelles, le fondement le plus profond de nos psychologies humaines. Je me compare à un handicapé dont le handicap ne se voit pas.
Au cours de ces mois, j’ai assisté, hagard, à la réduction progressive de mon pénis, sans savoir si c’était une illusion psychologique ou la réalité. Pour en avoir le cœur net et après avoir constaté l’inutilité de ces soins, j’ai pris rendez-vous avec un urologue au CHU de Grenoble, là où j’habite. Comme il ne s’agissait pas d’une urgence, il m’a fallu patienter six semaines. Je lui ai expliqué mes symptômes. Sans aucune espèce d’empathie, l’air plutôt las, il a répondu qu’en effet, c’est normal, que mon sexe est maintenant nécrosé et qu’on n’y peut plus rien. Il m’a prescrit de l’EDEX en me proposant de m’en montrer tout de suite l’utilisation. Comme j’étais très énervé de ses propos antérieurs – le mot « nécrose » résonne encore en moi comme le couperet d’une guillotine – et au bord des larmes, j’ai choisi de différer. Je lui ai demandé si, comme pour le cancer du sein des femmes, il existait une aide ou un suivit psychologique. Il a levé un sourcil et m’a regardé avec un rien de mépris : « si vous en avez besoin, ouvrez les pages jaunes et cherchez un psy près de chez vous ». Peut-on imaginer que le corps médical ait si peu de bienveillance et soit si peu compatissant ?

J’ai pris rendez-vous avec une sexologue médicale. Il n’en existe qu’une à Grenoble, toutes les autres étant des psychologues. Comment font les autres provinciaux dans des lieux encore plus désertifiés médicalement ? Les consultations de sexologie ne sont pas prises en charge, elles coûtent 60 €.
La première séance a été terrifiante. Elle est entrée dans une colère noire contre les urologues. Selon elle, le protocole médical a été établi depuis vingt ans, et elle continue à se demander pourquoi les chirurgiens ne le suivent pas. Elle m’a expliqué pourquoi cyalis et vitaros ne peuvent pas marcher. Elle m’a dit aussi que le protocole est de commencer les injections d’Edex dès le premier mois après l’opération, pour éviter justement l’atrophie du pénis. Compagnons d’infortune : exigez le de vos urologues pour ne pas tomber dans le piège où je me trouve ! Luttez…

Puis elle m’a demandé de réfléchir si j’étais prêt à commencer un traitement de fond, consistant en deux injections par semaine pendant trois mois pour retrouver une circulation sanguine normale dans le pénis. Elle a insisté sur le fait qu’il s’agissait de prophylaxie, et que c’est seulement en fonction des résultats que je pourrai commencer à penser à des injections avec des intentions sexuelles.
J’ai pris rendez-vous avec elle deux semaines plus tard, et je m’y suis rendu avec mon épouse. La doctoresse en était heureuse. Elle m’a dit que cette complicité de couple est aussi importante que l’Edex pour la réussite du traitement. Et, fait unique, incroyable : elle m’a ausculté ! J’en suis tombé à la renverse : j’ai vu cinq urologues ainsi que mon médecin traitant depuis que mon cancer a été déclaré, avant ou après l’opération, et aucun d’entre eux ne m’a jamais regardé le sexe. Aucun !!! C’est stupéfiant. Comment se fait-il que les chirurgiens n’auscultent pas ? Eux seuls peuvent dire si tout est normal, et couper l’herbe de l’angoisse sous les pieds des patients. Pourquoi mon médecin traitant n’ose-t-il pas regarder mon pénis, le toucher ?
Les cinq urologues et ce médecin sont des hommes. Les seules personnes qui m’ont touché sont la kiné et cette urologue. Deux femmes. Est-ce un hasard ? Je ne crois pas. Je crois que les femmes sont plus intelligentes, moins inhumaines que les hommes, urologues compris.
Elle m’a donc ausculté : « votre sexe n’est pas petit. Un petit sexe, c’est ça (geste de la main, tout petit), et même comme ça, on peut y arriver. Alors vous, ça va marcher ». Et en quelques mots, elle m’a fait un bien fou, elle a renversé la « nécrose » de l’urologue impitoyable. Elle m’a montré l’usage de l’injection avec beaucoup de douceur et de gentillesse.
Depuis, j’ai commencé. Contrairement à ce qu’elle ou l’urologue de Grenoble ont prétendu, c’est un soin traumatisant. J’ai ainsi réalisé que leur savoir est totalement théorique : ni eux ni elle (et pour cause) ne se sont jamais fait d’injection dans le pénis. L’injection elle-même fait mal, même si c’est supportable. Ensuite, mon sexe devient gros, lourd. Tellement lourd qu’il en est douloureux. J’ai trouvé qu’en m’allongeant tout de suite, en restant sur le dos, c’est mieux. Je trouve une grande satisfaction à voir qu’il peut encore être en érection, même si je vois bien qu’il est plus petit qu’autrefois. Pour le moment, je suis dans la phase prophylactique et de fait, je n’ai pas une grande envie de caresses à ce moment là, car c’est douloureux. Mais nous nous caressons quand même, par amour.
Parfois, ça ne marche pas du tout. Mais alors pas du tout du tout. Le sexe demeure petit et flasque. Et le produit s’éjecte par mon urètre, comme une éjaculation transparente et inodore. J’ai regardé sur Internet, et heureusement, le docteur Virag qui a inventé l’Edex a mis un tutorial (https://www.youtube.com/watch?v=UdgsMYzoOT8. A tous : lisez son livre « le sexe de l’homme ». C’est génial, compréhensible par tout le monde, et permet de bien mieux se connaître). Je crois que les échecs se produisent quand je pique trop près de la base du sexe, mais comme je ne fais que deux injections par semaine, je ne peux pas encore en être certain. En tous les cas, c’est très déstabilisant. Mon prochain rendez-vous chez la sexologue est fin janvier, il me faut donc poursuivre et comprendre par moi-même d’ici là.

Voilà le témoignage que je tenais à vous faire. Je comprends que l’Anamacap ait des actions de prévention. Mais trouverais légitime qu’elle ait aussi des revendications. Voici sur quoi nous devrions lutter, collectivement :
– Gratuité totale du Vitaros et du Cyalis pour les prostatiques qui ont conservé leurs bandelettes érectiles et pour qui ça peut être utilisé.
– Un suivit sous forme d’aide médicale pour l’Edex et le Vitaros
– Une aide psychologique pré et post-opératoire prise en charge par la sécurité sociale.
– Faire connaître le protocole mis au point par les sexologues et exiger que les urologues s’y conforment.

Bon courage à tous !
Jean

par Jean38@Lil
5 décembre 2019